UN AUTRE CHEMIN

La peinture n'est pas un divertissement qui a pour but d'occuper les esprits et les corps, de les inhiber pour les détourner de l'intensité de la vie. Elle n'est pas non plus un décor vite oublié, ni une réponse aux problèmes quotidiens ou aux mythologies personnelles.

La peinture permet d' "entendre", d'avoir d'autres accès au monde et à l'univers, que ne le proposent la science, les nouveaux outils, la communication, l'économie, la politique, la société…

D'autre part, sommes-nous capables, aujourd'hui, de poursuivre l'aventure humaine face à l'inconnu ? Déjà la même interrogation se "posait" implicitement à nos ancêtres (cf. l'art pariétal). 

Une autre question va s'imposer de plus en plus : celle des limites de notre civilisation. Celle-ci paraît pouvoir tout faire comme si tout lui était possible. Au risque de se détruire et de faire disparaître l'humain sur terre. Risque dont on voit des éléments mortifères dans les arts actuels : peinture, littérature….

Le vivant est complexe. Il ne va pas de soi.

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Le peintre, pour garder sa libert é et ne pas "mourir", doit peindre plus vite que la peinture. Marc Chagall : « Derrière moi vont mes tableaux » ou Henri Michaux, le poète : « Tâche d'en sortir. Va suffisamment loin en toi pour que ton style ne puisse plus suivre ».
L'encombrement du regard, de la pensée et du geste, les pesanteurs de l'époque ou les interprétations du monde, ralentissent le peintre aux gestes les plus rapides. La vitesse n'est pas une question de rapidité. Mais d'un regard sans intention. D'un "regard" en avant, ou d'une lucidité anticipative. Jusqu'à aller plus vite qu'un enfant ! Jusqu'à une pensée sans langage !

Reste un domaine oublié par notre époque : la spiritualité, cette dimension de l'infigurabilité humaine. Dimension qui est hors tout pouvoir. Elle est au fond de l'humain. Elle lui donne sa plus grande liberté et son plus grand imaginaire au regard de l'univers. Avec elle, le peintre ausculte l'illimité.

Ce qui rend l'expérimentation du monde que fait le peintre, intolérable, obscène, ou inaudible, c'est la présence sans cesse maintenue de l'inconnu dans ses gestes, dans les traces et les masses qu'il agence, inconnu qui donne à la matière la plus grave et la plus lourde, la plus aiguë et la plus légère, sa matérialité critique par rapport à l'œuvre, en même temps que celle-ci accède à sa grâce.

Quand créer n'est pas communiquer.

« Les noms de la beauté sont les noms de personne » (Christian Bobin).

Peindre : une expérimentation contre toute interprétation.

Peindre : une percée du monde.

Jean Auguste Murat (juillet-août 2008)
                                                                                                                           http://www.muratpeintre.fr