CE QUI, DE NUIT, SOUFFLE...

Créer n'est pas communiquer, ni s'exprimer. Pour entendre cela, il ne faut pas être né avant soi. Et il est encore nécessaire de savoir que le monde n'a jamais commencé.

Parfois pour accéder à un paysage désadjectivé, il est bien de n'avoir aucune arrière-pensée. Il est là. Avec une objectivité d'une telle intensité, objectivité que Cézanne a traqué durant toute sa vie. Le plus au centre. Bien après l'horizon. Nul lac, pas d'arbres, ni même un désert. La ville est un point noir dans une face.

Derrière ce paysage, rien n'existe. J'en reviens. Mais j'y retourne souvent, très naturellement. Si vous avez peur, inventez des dieux, creusez une ville, et faites la guerre.

Cette nuit, ne toucherai-je pas à un abîme ? Abîme qui jaillit. Lorsque je relève la tête devant la paroi. Plus de sensation, ni d'émotion : le paysage d'un coup. A vitesse absolue. Sans un mot, pas de temps.

L'univers, un point. Inattendu ou surhumain ! Pas de pulsation, ni de rythme. Pas de cœur qui bat. Rien, existe…inimaginable.

Brusque énergie immédiate, en tas, inextricable. Immobile, sorte de pierre, sur la toile.

Impensée une joie déconcertante. Dans cette dilatation de tout le corps. Autre univers sans organes. Immense cri privé d'horizon qui ne dépasse pas le premier cercle du silence…

Ah ! Que voulez-vous dire ? Et bien, allons plus loin. Il s'agit plutôt du goût d'une matière ayant l'aspect du charbon. Ou alors plus singulier, quand je broie du diamant dans la bouche. Les os du crâne ne grésillent plus : ils éclatent et brûlent dévastés par la lumière.

Enfin dans l'instant, j'agence des traces, des couleurs…je peins une figure, un récit ou une légende pour dire le monde en devenir, écartant la raison raisonnante trop destructrice, préférant la raison en quête d'elle-même ouverte à un nouvel humanisme. Et encore, vraiment affirmer la vie, et notre aventure si incertaine face à l'inconnu, comme des victoires provisoires sur la mort.

Etre debout au centre écouté d'un diagramme bleu, oser réenchanter le monde… quel rêve ! Parfois, créer, n'est-ce pas aussi anticiper ?