QUID DU "RECIT" ?

L'épopée du roi Gilgamesh, la plus ancienne histoire jamais écrite de l'humanité, est un "récit" qui marque les limites de la civilisation en cours (fin troisième millénaire). Avant la Bible et bien d'autres récits. Ce roi sumérien régnait sur Uruk, ville de Mésopotamie. Il était cruel et sanguinaire. Il défiait les dieux et était en quête d'immortalité. Puis un jour, après un parcours initiatique, il découvrit la sagesse et accepta de vivre avec son peuple, et de mourir. Que ce roi ait ou non existé, peu importe. C'est le récit, fondateur, qui est primordial parce qu'il indique une voie et des limites.

On retrouve ce thèmes dans de nombreux textes : les Upanisads, le Livre des Morts, la Bible, l'Iliade et l'Odyssée, les tragédies grecques, le Coran…Mais pas uniquement dans des textes. Les mégalithes celtes ne développaient-ils pas un sorte de "récit" donnant les limites de cette civilisation ? On peut s'interroger sur leur volonté de construire de tels lieux de culte.

Notre civilisation n'a plus de limites. Tout est possible, jusqu'à faire sauter la planète ! Elle n'a pas de "récit" fondateur, la Bible et le reste n'ayant plus aucune pertinence compte tenu des transformations de la civilisation et de sa puissance. On est presque immortel avec des progrès de la médecine et ceux à venir ! Peut-être ! Et même si vous voulez faire le bien sans limite, vous allez tuer des gens !

L'art actuel est dépassé parce qu'il n'a pas de limites, au point de n'être plus qu'un décor vide, malgré tous les discours, ou grâce à eux ! Et peu importe la qualité du travail de l'installation, de la vidéo ou de la peinture ! Il est incapable d'imaginer des limites, parce qu'il ne sait plus ce qu'il fait, ni où il va.

L'art devra avoir cette fonction d'expérimenter des limites à la nouvelle civilisation en cours, à travers des mythes fondateurs complètement originaux. Ce n'est pas un ou deux artistes qui vont inventer un tel "récit", mais c'est l'humanité entière !