Une percée du monde

Corps sans organes (Artaud, Deleuze), énergie, autonomie de la forme, récit

 

Ainsi l’agencement des matériaux sur la toile, lorsque ceux-ci sont ouverts aux conjonctions et aux disjonctions, à l’inconnu sans cesse, est au maximum de ses potentialités.

Dans ce moment surgit un autre regard. Inattendu.

 

Voir, certes ! Jusqu’où ?

Pour le  savoir, les réécouter, les suivre, avec le risque qu’ils deviennent insupportables. Ces matériaux brutalement désarticulés, jamais résolus. Tant submergés de désirs toujours en train de machiner des fragments de vie et des cycles de mort.

 

Je peins… Je ne sais pas… En silence ce matin.

(Couleurs, traces, masses, gestes, figures même, enfin récits : je n’ai pas de définitions, totalement ouvert à l’infini et à l’éternité)

Passe ton chemin vieil errant… va jusqu’à ton soleil. Comme un écho !

 

« Qui cherche l'infini n'a qu'à fermer les yeux. » (Milan Kundera)

 

Si difficilement, si dangereux, trop risqués parfois.

D’un coup l’effroi et la joie, jusqu’à une offense exécrable. Trop de corps écrasés. Des accents exaspérants. Que faire ici ? Les matériaux échappent.

 

Jusqu’à cet instant où leur agencement devient le lieu d’une intensité pure. Un peu comme dans un corps sans organes, ils accentuent ce qui reste quand on a tout ôté : plus de fantasme, plus de signifiance, ni de subjectivation. Fin des adjectifs.

Nous sommes arrivés au bout, avant la géométrie, avant le langage. En deçà de la sensibilité et de l’émotion. Oui d’un coup au cœur de la nature. Face à l’inconnu. Inimaginable !

 

Et cela à vitesse absolue. En direct avec les énergies.

Matériaux jetés sur le plan, avec cette vitesse qui est forte de la multiplicité des temps.

Pour voir ce jour-là, comment travaille la dynamique logique de l’irrationnel, ou comment le visible sourd curieusement quand l’agencement des matériaux est illisible.

Puis de là, nous provoquons une expérimentation contre toute interprétation, et exposons cette éternité  si peu nommable.

 

Il s’agit vraiment de passer en dissidence.

Jusqu’à entendre autre chose du monde qui arrive en permanence avec des repères éblouissants quand tout est inconcevable (Char).  

Repères découverts comme l’écho d’une autre liberté, d’un autre devenir peint en même temps que cette percée du monde surgit.     

 

 

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